« L’Araucanie a un autre roi naturel :la pluie. Elle y étend son voile sur une période identique de l’année, faisant naître sur les premières pentes des Andes un foisonnement de forêt monstrueuses et presques impénétrables. »
Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, Jean Raspail
« Une route? Là où on va, il n’y a pas de route. »
Dr. Emmett Brown, Retour vers le futur
Construite sur ordre de Pinochet dans les années 1980 afin de relier les villages les plus reculés de la Patagonie Chilienne, la carretera australe aura coûté la vie de plusieurs centaines d’ouvriers. Aujourd’hui ce monument megalomaniaque est devenu une sorte d’Eldorado pour les cyclotouristes. Environ 1200km de Puerto Montt à Villa O’higgins, encore essentiellement sur du ripio qui éreinte les vélos comme les cyclistes au travers des fjords, des montagnes, des glaciers et des lacs. Elle devient malgré tout de moins en moins difficile et de moins en moins isolée.
C’est pour ce parcours que nous nous sommes donné rendez-vous avec Mathilde et Etienne à Puerto Montt le 12 février, la meilleure période pour s’y lancer. Trois semaines, pas un jour de plus entre leur arrivée et leur départ de Santiago. Malgré les apparences, ce sont bien des vacances. Nous n’allons pas pouvoir traîner. L’objectif quotidien est de 70km avec en inconnu : les horaires des différents ferries qui relient les portions de route entre elles. Après le repos relatif du mois précédent, nous reprenons le sport. La beauté et la variété des paysages nous motivent énormément, chaque kilomètre valant son coup de pédales et notre équipage arrive à tenir le rythme relativement soutenu.
Sans détailler chaque journée, nous nous rappellerons, entre autres, de la course contre la montre entre la descente du ferry d’Hornopiren et Chaiten afin de monter in extremis à bord du bateau de 23h, condition sinequanone pour espérer rester dans les temps. Le réveil par la pluie sur le pont supérieur de ce même bateau où nous nous étions endormi en contemplant un la voie lactée dans un ciel sans nuage. Elle aura commencé à 4h du matin et nous aura accompagné tout au long des 74 km entre Raul Marin Balmaceda et La Junta. Trempés jusqu’aux os et transis de froid, la joie de se réchauffer dans une cabanas. L’ascension vers le glacier suspendu, elle aussi sous la pluie. La tambouille d’Etienne, maître incontesté du réchaud. Le bleu turquoise du lac general Carrera, deuxième plus grand lac d’Amérique du Sud. La chance de n’avoir eu que quatre jours de pluie quand certains ne connaissent qu’elle pendant trois semaines. Le bonheur de remplir ses courses avec l’eau des rivières.
La vraie richesse à vélo, c’est le temps. Nous allons malheureusement en manquer. Seule cause de tension dans la horde sur les derniers jours. Il ne nous manque qu’une journée pour terminer ensemble. Etienne et Mathilde doivent se résoudre à faire du stop pour les 100 derniers kilomètres, nous quittant donc sur le quai de Puerto Yungai. Ils n’ont en effet pas le droit à l’erreur avec la traversée du lac O’higgins qui peut parfois être impossible pendant plusieurs jours à cause du vent.
C’est donc seuls que nous terminons la route ce qui ne marque pas la fin de l’aventure, loin de là. À 35 km de Villa O’higgins, l’axe de la roue gauche de la remorque se rompt. Après quelques dizaines de minutes de d’impuissance et de désespoir, nous sommes rattraper par un groupe de quatre cyclistes. Anne, Alvaro, Jeff et Roland en plus de leur soutien moral, nous soulagent d’un peu de nos bagages ce qui nous permet de mettre la remorque sur un porte bagages et Nine dans le porte bébé pour terminer à vélo. Par hasard, nous échouons dans un hôtel où nos amis qui ont donc un jour d’avance nous avaient réservé une chambre. Ce sera le début du jeu de piste et des surprises qu’ils nous laissent via de nombreux messagers jusqu’à El Chalten en Argentine. Dans ce même hôtel, nous trouvons même une personne qui nous fabrique un axe de fortune pour nous permettre de poursuivre quelques kilomètres. Ce jours là, pas moins de dix personnes nous ont aidés à avancer.
Villa O’higgins a beau être la fin de la carretera australe, ce n’est pas la fin du chemin. Arrivée là, on a le choix entre faire demi-tour, traverser en Argentine soit en traçant son propre chemin à travers la montagne soit en empruntant un chemin de 22km de randonnée pédestre situé entre le lac chilien O’higgins et le lac argentin d’El desierto. Cette dernière option et le choix classique des cyclistes et c’est celle que nous choisissons. Elle implique donc de parcourir un chemin destiné aux marcheurs avec son vélo chargé en guise de croix. Nous nous rappelons à peine des quatre premiers kilomètres avec les pentes à 20% et la caillasse où il est impossible de pousser tout seul le vélo avec la remorque tant les six derniers sont affreux. À mi chemin, le fitz Roy se laisse apercevoir ce qui redonne un peu de courage. Des randonneurs nous transmettent un message laisser par nos amis avec d’ultimes conseils, la pression monte. Puis c’est le panneau « bienvenodos en Argentina » et le début du cauchemard. 6 km de racines, de bouillasse, de marécages et de rivière pour rejoindre le poste frontière argentin. Nous chargeons de nouveau la remorque sur le vélo mais cette fois, il n’y a personne pour nous aider à porter le surplus. Nine marche près de 3 km, trop fatigués, nous ne la ménageons pas. Au bout, un bivouac au bord du lago d’El desierto avec vue imprenable sur le Fitz Roy pour récompense.
25 jours que nous n’avons pas fait de pause. Une dernière traversée en bateau, le nettoyage des vélos puis 38 km de mauvais ripio (ce qui achève la remorque d’ailleurs) et nous arrivons à El Chalten. Mathilde et Etienne sont là, nous attendant patiemment à l’entrée, les bières à la main. C’est bien ici la fin de la route…





















































Bonjour,
Merci pour votre site !!
Et je vous trouve c’est génial de voyager en famille.
Nous allons faire la carretera austral en novembre. Savez-vous si il y a des jours précis où les bateaux font la traversé du lac o’higgins ? Connaissez-vous les noms des compagnies ?
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