La region des lacs argentins

« La Patagonie a un roi naturel: le vent. Il y souffle en tempête les trois quarts de l’année et détruit toute tentative de la végétation à se hausser au dessus de l’élévation d’une touffe d’herbe »
Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie ; Jean Raspail

La traversée de la pampa patagone d’Est en Ouest nous a, pour un temps, rassasiés de nos envies de défi sportif. La suite de l’itinéraire s’est naturellement imposée à mesure que nous approchions de la Cordillère : nous irons vers le Nord, vers la région des lacs Argentins en longeant la cordillère et aborderons la carretera australe depuis Puerto Montt. Entre deux bouchées de milanesas, unique trophée englouti à pleine main à la station service de Tecka, nous avions tous deux pensé sans nous le dire que la pampa, au moins pour ce voyage, nous en avions assez vu.

La ressource la plus importante pour voyager sereinement à vélo est le temps, bien plus que le matériel ou que l’argent. Pour la première fois, nous prenons vraiment le temps. Notre seul impératif est d’arriver à Puerto Montt le 10 février pour découvrir la route australe avec Étienne et Mathilde qui sont en plein état de manque de cyclotourisme (enrouelibre.over-blog.com).

Le climat est parfait pour le vélo, pas une goutte de pluie, un vent à peine perceptible (nous sommes pourtant toujours bien en Patagonie), on sent à peine le dénivelé, du ravitaillement tous les 30 km minimum, un lac ou une rivière pour chaque bivouac et 90% d’asphalte. Ça ressemble à des vacances. Seule ombre au tableau, la route 40 qui déborde de touristes locaux tout aussi pressés et imprudents que les camioneurs qui nous gâchaient la route côté Atlantique. La pièce la moins usée en Argentine est le frein sans aucun doute. Nous ne les referons pas. En attendant, pour passer nos nerfs et changer des insultes, il nous est arrivé de jeter des pierres aux plus dangereux.

Les adieux avec les Hugues et les Rocha à Esquel ont été vraiment difficile. Nous n’avons pas échangé un mot pendant 30 minutes après les avoir quitté. En attendant de nous en remettre, nous avions envie de rester un peu plus en famille. De toute façon, la région est ultra touristique à cette époque de l’année et il y a des voyageurs à vélo à la pelle que ce soit au long cours où seulement pour les vacances. Nous passons donc relativement inaperçus.

C’est dans cet état d’esprit que nous rencontrons Javier qui nous dépasse peu après Cholila et le parc de Los Alerces. 8 ans de voyage, il vient de franchir la barre des 80000 km. Reporter photo pour se financer, le voyage, ces sa vie en ce moment. Il a suivi la même route que nous en Argentine mais jusqu’à Ushuaia et en hiver. (Www.bicicleting.com). Lui aussi a envie de vacances. Un type génial, le contact est simple et le courant passe bien. Assez naturellement, nous allons parcourir 770 km ensemble. N’ayant pas le même rythme, nous fonctionnons un peu comme une colocation, pédalons nos kilomètres chacun de notre côté pour nous retrouver au bivouac du soir. Ils s’adorent avec Nine, il devient tio Javier.

D’Esquel à Junin de los Andes par la route 40, puis nous passons aux pieds du volcan Lanin pour rentrer au Chili. Sur la route, nous rencontrons entre autre Tim. Néo zélandais de 69 ans, il descend de l’Equateur vers Ushuaia (www.theyellowbike.nz). Ça donne de l’espoir et des idées pour les années à venir. Nous faisons la connaissance de Dani, espagnol lui aussi, il voyage depuis 4 ans et demi (cf vivir en bicicleta). Buena onda, nous le aurons le plaisir de le recroiser deux fois. A Villa La Angostura, Alex que nous avions rencontré près de Bahia Creek un mois plus tôt nous offre un demi kilo de chocolat de sa chocolaterie. Il y a aussi Coco qui construit une casa de ciclistas à Bariloche. Bref, une région qui grouille de cyclistes.

Moins épique donc, que les kilomètres précédents. Des vacances que nous avons le sentiment, peut-être présomptueux, d’avoir méritées.

PS: merci à Javier à qui nous avons emprunté quelques photos.